Sul concetto di volto nel Figlio di Dio: lettera di Romeo Castellucci

sulla censura a Le Mans

10 avril 2018

 

Chers spectateurs du Mans

 

Je ne vous montrerai pas ce soir la pièce « Sur le concept du visage du fils de Dieu » dans son intégralité. Il y manquera une scène importante dans laquelle interviennent des enfants.

 

Suite à l’avis défavorable émis par la Direction départementale de la cohésion sociale*, le Préfet de la Sarthe a refusé la participation des enfants à l’une des scènes de la pièce à laquelle vous aller assister ce soir.

 

Il s’agit d’une séquence d’environ 12 minutes, pendant laquelle un groupe d’enfants entre en scène avec des sacs à dos et vide leur contenu composé de jouets en forme de grenades, tout comme le garçon dans la photo de Diane Arbus qui a inspiré cette scène. Ils lancent ces fausses grenades sur le grand portrait du Salvator Mundi de Antonello de Messine au fond de la scène.

 

Il s’agit d’un passage complexe dont je ne peux que synthétiser le sens : c’est une forme de prière, un geste porté par l’innocence de l’enfance qui symbolise ici l’humanité entière, un geste qui fait référence à la Passion du Christ.

 

Pour monter cette scène, dans chaque ville nous organisons régulièrement des rencontres préparatoires avec les enfants, afin de leur faire comprendre «l’homéopathie» de ce geste violent qui appelle des sentiments inverses.

 

Depuis la Première représentation de ce spectacle en 2010, ces rencontres sont conduites avec beaucoup de soin et délicatesse par mon assistant Silvano Voltolina qui a une longue expérience dans la pédagogie théâtrale spécifiquement auprès des enfants.

 

Ce moment est l’un des aspects les plus riches et les plus beaux de ce travail : s’offrir le temps de discuter d’enjeux importants avec les enfants, écouter enfin leur voix, critiquer la violence par l’usage paradoxal de sa fiction et partager avec eux un discours sur l’art, la culture et la fragilité humaine. Parler d’éthique, finalement.

 

Je ne partage donc pas du tout les raisons invoquées par la Direction départementale, raisons qui parlent de défense de la moralité et mise en danger de la santé des enfants.

La moralité ici évoquée est un mot vidé de son sens, un stéréotype douloureux et déplacé, qui ne surgit pas de la conscience profonde de l’individu mais plutôt d’une anesthésie de la conscience individuelle.

 

La moralité évoquée ici est ce qu’on appelle le sens commun : une caricature de la véritable éthique, une offense à l’intelligence critique des adultes et des enfants.

 

L’art est une éthique contenue dans une esthétique et cela n’a rien à voir avec le moralisme. La Préfecture a certes le devoir d’oeuvrer pour le bien de la société et de la préserver des dangers mais, dans le cas présent, ce type de réponse me semble mieux convenir à un régime théocratique qu’à une République fondée sur la liberté d’expression.

 

Cependant, je suis contraint d’accepter la décision de la Direction départementale et après un premier moment de consternation et d’incrédulité, j’ai pris la décision, avec ma compagnie, de jouer quand même le spectacle dans une version amputée de la scène en question.

Je tiens beaucoup à m’en excuser auprès des enfants, de leurs parents et de vous-mêmes, chers spectateurs, car vous êtes venus ici ce soir en vous attendant à voir le spectacle dans son intégralité.

 

Merci de votre compréhension, merci de votre attention.

Romeo Castellucci

 

 

*Le travail d’enfants de moins de 16 ans dans le spectacle est soumis à l’avis d’une commission départementale qui examine les conditions de leur emploi et à la décision de la préfecture.

 

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